Chaire Théorie et Methodes de la Conception Innovante

Axe de recherche

Activités de conception et capacités d’innovation dans le système productif

Domaines de recherche

  • Management de l’innovation
  • Impact transdisciplinaire

Chaire

Théorie et Méthodes de la Conception Innovante (TMCI) tmci.mines.paristech.fr

Depuis 2002, une série de travaux a abouti à une théorie du raisonnement de conception qui vise à une grande généralité : la théorie C-K (Concept-Knowledge theory). En distinguant espace de « concepts » et espace de « connaissances », et en identifiant leurs structures et interactions respectives, cette théorie formalise un modèle de rationalité dans l’inconnu adapté à la genèse et à « l’exploration/expansion » de concepts innovants.

Ce modèle complète les paradigmes décisionnels classiques (rationalité dans l’incertain) par l’introduction de logiques génératives, c’est-à-dire par des raisonnements capables de régénérer les objets et les alternatives d’un processus décisionnel. Il a été confirmé, par de multiples sources, que ce type de rationalité, dite « expansive » (ou plus usuellement « créative »), était rigoureusement modélisé par les opérateurs de la théorie C-K. Cette théorie a suscité un vif intérêt de la part des entreprises et des acteurs publics concernés, car elle offrait, sans équivalent connu, un cadre rigoureux pour décrire et piloter le renforcement des capacités d’innovation. Depuis 2009, ces premières avancées ont été consolidées et amplifiées dans le cadre de la Chaire TMCI (Théorie et Méthodes de la Conception Innovante) (voir encadré 1). Les travaux sur la théorie C-K ont connu une réception internationale au travers de publications ayant reçu de multiples distinctions académiques. Ces grands résultats se déploient dans plusieurs directions :

En management de l’innovation

La théorie C-K a permis de comprendre les fonctionnements des entreprises les plus innovantes et d’élaborer de nouvelles méthodes de conception et de gouvernance adaptées à l’innovation de rupture. En effet, les approches classiques de la gestion de projet ou en termes de réseaux multi-experts, se sont révélées peu adaptées à soutenir les capacités d’innovation et ont eu un impact déstabilisant pour les métiers (cf. Axe 2.). La théorie C-K a permis de montrer que les processus d’innovation reposaient sur un métabolisme double, cognitif et organisationnel, qui traverse l’ensemble des fonctions de la firme, y compris sa gouvernance financière et institutionnelle. Sur ces bases, on a pu explorer de nouvelles organisations de la firme et de nouvelles formes d’action collective (innovation labs, communautés d’innovation, « collèges de l’inconnu », écosystèmes innovants pilotés, etc.), tout en cernant mieux les insuffisances des modèles de « l’open innovation » ou de la « triple hélice ». Aujourd’hui, la théorie C-K est mobilisée par les équipes « d’Ingénierie amont », par les directions de l’innovation, par les spécialistes du management de la créativité et du design, etc. Elle permet de dépasser les difficultés des approches économiques de l’innovation (dépendance du sentier, croissance endogène, « jeux d’attente »). Elle éclaire aussi les biais cognitifs collectifs qui pèsent sur des écosystèmes (Axe 3). Sur le terrain, les méthodes de gestion de l’innovation inspirées de la théorie C-K se sont multipliées ; certaines ont été validées par une large expérimentation, à l’instar de la méthode KCP qui a obtenu d’importants résultats dans plusieurs grandes entreprises (environ 30 expériences). De nombreux consultants sont aujourd’hui formés à ces approches. En 2010, Cambridge University Press a publié l’ouvrage « Strategic Management of innovation and Design » (Le Masson, Weil, Hatchuel) qui a permis de diffuser une large part de ces avancées.

Impact transdisciplinaire

Les sciences de l’ingénieur ont fait un accueil particulièrement favorable à la théorie C-K. Grâce à son formalisme indépendant des ontologies usuellement assignées aux objets à concevoir, la théorie C-K unifie les modèles de la conception que la littérature interprétait comme distincts, voire antagoniques (Pahl and Beitz, Yoshikawa, Suh, Simon,…). Ils s’avèrent être des cas particuliers de la même théorie qui ne diffèrent que par la « fixité » relative des ontologies utilisées. Ces travaux retrouvent aussi les sources des différentes traditions de la conception (Architecture, Ingénierie, Art et design). Plus fondamentalement, la découverte de correspondances profondes avec le Forcing en théorie des ensembles (modèle des extensions génériques) et le constructivisme intuitionniste de Brouwer ont confirmé la généralité de la théorie C-K et ont permis d’avancer vers une mathématisation plus complète de celle-ci. On peut la voir aujourd’hui comme un modèle canonique des processus génératifs (ou créatifs) qui sous-tendent la rationalité de l’action dans l’inconnu (expandable rationality) par différence avec la rationalité classique dans l’incertain.

Cet impact se retrouve dans d’autres disciplines (psychologie cognitive, histoire industrielle, « Design », épistémologie), avec lesquelles la Chaire a construit plusieurs coopérations fructueuses. Ainsi, la théorie C-K a donné lieu à plusieurs tests expérimentaux en laboratoire et ouvre de nouvelles pistes pour l’étude des fonctions « créatives » en neuropsychologie ; ces travaux sont conduits en coopération avec le laboratoire de psychologie du développement (LaPsyDé) de Paris-Descartes. Aujourd’hui, la théorie de la conception innovante est enseignée dans plusieurs universités et Ecoles d’ingénieurs, de management et de design, en France et dans le Monde. En 2013, ParisTech a retenu la formation à la conception innovante de MINES ParisTech comme formation « labellisée » pour l’ensemble de ces Ecoles. Depuis 2010, les publications sur la théorie C-K produites par des chercheurs internationaux sont plus nombreuses que celles des fondateurs.

Fait marquant : la chaire Théorie et Méthodes de la Conception Innovante (TMCI)

La chaire TMCI a été créée en janvier 2009 pour mener un programme de recherche fondamentale sur la conception avec le soutien de cinq partenaires industriels (Dassault Systèmes, RATP, Renault, Thalès et Vallourec), rejoints en 2011 par la SNCF et ST Microelectronics. Elle a permis d’amplifier les travaux sur la théorie C-K de la conception, de consolider sa reconnaissance internationale et d’engager de nombreuses coopérations transdisciplinaires. Les quatre directions de recherche de la Chaire sont :

  1. Fondements de la théorie de la conception et raisonnement dans l’inconnu
  2. Outils et organisation de la conception innovante
  3. Approches cognitives et neuropsychologiques de la conception innovante
  4. Régimes de conception, économie et histoire de la conception.

On notera en résumé quelques résultats principaux obtenus sur la période :

  • Publications et impact scientifique : Outre de nombreuses publications (voir annexe), on note la direction de deux numéros spéciaux de revues : « Design theory » dans Research in Engineering design, 2012 ; « waiting games » dans Technology Analysis and Strategic Management 2013. Par ailleurs une centaine de publications, hors celles du CGS, utilisent la théorie C-K depuis 2009.
  • Animation scientifique : La Chaire a permis la création de l’international workshop in Design Theory (au sein de la Design Society) qui se réunit annuellement et a connu en cinq ans un développement rapide. Elle accueille aussi de nombreux chercheurs intéressés par les retombées de la théorie C-K pour leur propre discipline : sciences cognitives, philosophie des sciences, logique mathématique, etc.
  • Distinctions académiques : deux «best paper awards » dans la principale conférence internationale (ICED) ; deux chercheurs lauréats de la Pribilla Foundation ; un article nominé en 2012 parmi les 3 meilleurs articles de l’année de la revue Creativity and Innovation Management ; prix de thèse AIMS 2013 ; A. Hatchuel élu en 2011 à l’Académie des Technologies pour ses travaux sur la théorie de la Conception et invité comme keynote speaker de la conférence annuelle R&D Management en 2012.