Soutenance de thèse de Nabila IKEN

Le 7 juillet 2021

Résumé de la thèse en français

Dans quelles conditions les outils de gestion environnementaux, parviennent-ils à transformer les pratiques dans les entreprises en vue d'une meilleure prise en compte de l'environnement dans les décisions ? En partant de l'hypothèse que l'adoption de tels outils n'est pas une condition suffisante à des actions favorables à l'environnement, nous explorons dans cette thèse la manière dont les acteurs de terrain se saisissent de ces outils et créent du sens autour de ces derniers. À travers une recherche-intervention au sein du constructeur automobile Renault − complétée par une enquête auprès d'autres entreprises −, nous analysons les conditions dans lesquelles la conception d'outils tels que l'Analyse du Cycle de Vie simplifiée, le Prix Interne du Carbone ou les outils de monétarisation des externalités environnementales parviennent à transformer effectivement les pratiques. À cette fin, nous mobilisons le concept de performation qui renvoie au processus d'action collective par lequel des pratiques managériales sont transformées conformément à des projets stratégiques. En effet, en étudiant le décalage qui existe entre la vision des concepteurs de ces outils (dont nous avons fait partie) et des utilisateurs visés (tels que les ingénieurs et les acheteurs), nous mettons en évidence que la capacité des outils de gestion à transformer effectivement les pratiques dépend moins de leurs caractéristiques propres ou de leur validité scientifique, que du processus d'appropriation et de son insertion dans des dispositifs d'action collective plus larges. Nous montrons notamment que les critères de légitimité et de validation de ces outils varient selon les situations de gestion et les acteurs concernés et nous mettons en évidence l'importance des processus de négociation et de traduction dans un langage et sous une forme adaptée à leur usage. Par ailleurs, à travers notre analyse des outils d'évaluation monétaire des externalités environnementales, nous montrons l'importance de la mise en récit (storytelling) pour donner du sens à ces valeurs monétaires qui n'en ont pas en soi pour les acteurs de l'entreprise. Enfin, afin de rendre compte des temporalités longues en jeu dans un projet de transition soutenable, nous proposons un cadre d'analyse de ces transitions à l'échelle de l'entreprise comme ouverture et perspective. Nous déconstruisons le mythe de la transition soutenable qui serait le résultat d'une impulsion informée et éclairée du top management, et suggérons qu'elle serait plutôt fondée sur des expérimentations locales instrumentées. Nous proposons ainsi un modèle de transition soutenable à l'échelle de l'entreprise (inspirée du cadre de la perspective multi-niveaux) dans lequel il y aurait transition lorsque des acteurs à des niveaux bas dans l'entreprise parviennent à faire adhérer les décideurs à des niveaux plus élevés, en mobilisant notamment des événements exogènes dans des récits, fondés sur des mythes rationnels construits et expérimentés au préalable sur le terrain. L'impulsion du top management constituerait alors seulement une étape de catalyse, pourtant seule partie visible pour un observateur extérieur de ce processus de transition.

Résumé de la thèse en anglais

Under what conditions do environmental management tools succeed in transforming business practices in order to better consider the environment in decisions? Based on the assumption that the adoption of such tools is not a sufficient condition for action in favor of the environment, we explore in this thesis the way in which actors in the field seize these tools and create meaning around them. Through a research-intervention within the car manufacturer Renault – completed by a survey of other companies – we analyze the conditions under which the design of tools such as the simplified Life Cycle Assessment, the Internal Carbon Price or the tools for the monetary valuation of environmental externalities manage to effectively transform practices. To this end, we mobilize the concept of performativity, which refers to the process of collective action by which managerial practices are transformed in accordance with strategic projects. Indeed, by studying the gap between the vision of the designers of these tools (of which we were part) and the intended users (such as engineers and buyers), we show that the capacity of a management tool to effectively transform practices depends less on its own characteristics or its scientific validity, than on the process of appropriation and its insertion into broader collective action mechanisms. In particular, we show that the criteria for the legitimacy and validation of these tools vary according to the management situations and the actors involved, and we highlight the importance of the processes of negotiation and translation into a language and form adapted to their use. Furthermore, through our analysis of the tools for monetary evaluation of environmental externalities, we show the importance of storytelling in order to give meaning to these monetary values, which do not have any in themselves for the actors in the company. Finally, in order to capture the long temporalities at stake in a sustainability transition project, we propose a framework for analyzing these transitions at the scale of the company as an opening and perspective. We deconstruct the myth of sustainability transition as the result of an informed and enlightened impulse from top management and suggest that it would rather be based on instrumented local experimentation. We thus propose a model of sustainability transition at the company level (inspired by the multi-level perspective) in which transition would occur when actors at lower levels in the company manage to get decision-makers at higher levels to adhere to the model, particularly by mobilizing exogenous events in narratives, based on rational myths constructed and experimented beforehand in the field. The impulse of the top management would then constitute only a catalytic step, yet the only visible part of this transition process for an external observer.

 

Titre anglais : Sustainability transition at the company level: performation through management tools approach
Date de soutenance : mercredi 7 juillet 2021 à 14h00
Adresse de soutenance : Mines ParisTech – Université PSL, 60 Boulevard Saint-Michel 75272 Paris – En cours
Directeur de thèse : Franck AGGERI
Co-encadrant : Antonin POTTIER

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