Soutenance de thèse de Honorine HARLÉ

Le 16 décembre 2022

Résumé de la thèse en français

Les usines font face à de nombreux enjeux qui appellent à des transformations industrielles majeures. Les crises actuelles (pandémies, crises écologique, guerres) et les diverses défaillances productives qu'elles ont mis au jour – ruptures d'approvisionnement, pollution- renforcent le caractère crucial de ces mutations. Pour y répondre, l'innovation technologique est souvent présentée comme le principal vecteur de changement au sein des usines. Cette mutation technologique, appelée « industrie 4.0 » est souvent conçue en amont par les fournisseurs, les bureaux d'études et des méthodes, avant d'être adaptée à chaque usine. Néanmoins, l'innovation technologique est-elle la seule réponse pour faire face aux défis contemporains ? La thèse propose d'explorer une autre voie : celle de la conception par l'usine de ses propres règles. L'usine aurait-elle des moyens de prescrire sa transformation ? Quelle ampleur peut revêtir l'activité de conception en usine ? Pour quelles performances et quelles générativités ? A quelles conditions ? Avec quelles méthodes ? Répondre à ces questions ne va pas de soi : la production est avant tout le lieu de l'exécution. Les astuces et le bricolage, le mouvement participatif, les cercles de qualité, et de façon plus générale, les démarches d'amélioration continue sont des formes de conception mais dans une visée d'optimisation des règles aux contraintes du réel. Un autre modèle, plus exploratoire, consisterait à ce que l'usine conçoive sa propre prescription. Dans cette hypothèse, comment serait-il possible de changer les règles tout en respectant celles du BE et en garantissant des performances productives identiques ou meilleures ? Comment un cadre contraint et hérité d'années en années peut-il intégrer un changement qui pourrait pourtant venir perturber tout le système productif ? Pour étudier ce dilemme tradition/innovation s'opérant au cœur de l'usine, cette thèse s'appuie sur quatre articles chapeautés d'un texte les replaçant dans une problématique plus générale et les articulant. L'ensemble rend compte de recherches menées sur des terrains empiriques variés et hétérogènes. D'abord, l'usine d'Airbus à Saint-Nazaire reçoit et assemble la pointe avant et le fuselage central des avions, avant d'en commencer l'équipement. Peu automatisée, la qualité de sa production repose sur l'expertise de ses compagnons. Ensuite, le technicentre SNCF des TER-Pays de la Loire à Nantes est en charge de la maintenance des trains régionaux. L'usine travaille en « trois huit », avec un changement amorcé vers plus d'automatisation du matériel et dans la détection de pannes, et des métiers de maintenance en transition. Enfin, l'usine de STMicroelectronics à Crolles, fabrique des puces électroniques en industrie 4.0 depuis le début des années 2000. En salle blanche, avec des procédés automatisés et précis à l'Ångström près, la production est principalement gérée par des ingénieur.e.s en nanotechnologies. Cette thèse montre d'abord que malgré le cadre très contraint de la prescription émanant du bureau d'études, il existe un régime où l'usine est capable d'innover en régénérant son système de règles (sa prescription). Cette dynamique de patrimoine de création est modélisée ; les expérimentations sur les terrains hétérogènes donnent à voir différentes ressources nécessaires pour la mettre en œuvre. Elles sont à la fois semblables à ce qui pourrait être attendu d'une organisation pour la conception innovante, mais ont des caractéristiques propres aux contraintes de l'usine et à la conception d'un système de règles.

Résumé de la thèse en anglais

Factories face many challenges that call for major industrial transformations. The current crises (pandemics, ecological crises, wars) and the various productive failures they have brought to light – disruptions in supply, pollution – reinforce the crucial nature of these changes. To respond to this, technological innovation is often presented as the main vector of change within factories. This technological change, called "industry 4.0", is often designed upstream by suppliers, design offices and methods, before being adapted to each plant. Nevertheless, is technological innovation the only answer to face contemporary challenges? The thesis proposes to explore another way: the factory could design its own rules. Would the factory have the means to prescribe its transformation? How significant can the design activity in the factory be? For which performance and which generativity? Under which conditions? With which methods? Answering these questions is not easy: production is the place of execution. Tricks and do-it-yourself, the participatory movement, quality circles, and more generally, continuous improvement approaches are forms of design but with a view to optimizing the rules to the constraints of reality. In another and more exploratory model, the factory would design its own prescription. In this hypothesis, how would it be possible to change the rules while respecting those of the design office and guaranteeing identical or better productive performances? How can a constrained framework inherited from year to year integrate a change that could nevertheless disrupt the entire production system? To study this tradition/innovation dilemma operating at the heart of the factory, this thesis is based on four articles headed by a text placing them in a more general problematic and articulating them. The whole reports on research carried out in varied and heterogeneous empirical fields. First, the Airbus plant in Saint-Nazaire receives and assembles the nose cone and the central fuselage of the aircraft, before starting to equip them. Not very automated, the quality of its production relies on the expertise of its companions. Then, the SNCF technicentre of the TER-Pays de la Loire in Nantes is in charge of the maintenance of the regional trains. The plant works in “three eights”, with a change initiated towards more automation of equipment and in the detection of failures, and maintenance jobs in transition. Finally, the STMicroelectronics plant in Crolles has been manufacturing electronic chips in Industry 4.0 since the early 2000s. In a clean room, with automated and precise processes to the nearest Ångström, production is mainly managed by engineers in nanotechnology. This thesis first shows that despite the very constrained framework of the prescription emanating from the design office, there is a regime where the factory is able to innovate by regenerating its system of rules (its prescription). This creative heritage dynamic is modeled; experiments on heterogeneous terrain show the different resources needed to implement it. They are both similar to what might be expected of an organization for innovative design, but have characteristics unique to the constraints of the factory and the design of a system of rules.

 

Date de soutenance : vendredi 16 décembre 2022 à 9h00
Adresse de soutenance : 60 boulevard Saint-Michel 75006 Paris – bibliothèque
Directeur de thèse : Pascal LE MASSON
Codirecteur : Benoît WEIL

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